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1885- IQ56
DICTIONNAIRE
DES
SCIENCES NATURELLES.
TOME XII.
CRIT^DAZ.
Le nombre d'exemplaires prescrit par la loi a été dé- posé. Tous les exemplaires sont rei>étus de la signature de l'éditeur.
DICTIONNAIRE
DES
SCIENCES NATURELLES,
DANS LEQUEL
ON TRAITE MÉTHODIQUEMENT DES DIFFÉRENS ÊTRES DE LA NATURE, CONSIDÉRÉS SOIT EN EUX-MÊMES, d'aPRÈS l'ÉTAT ACTUEL DE NOS CONNOISSANCES, SOIT RELATIVEMENT A l'uTILITB Qu'eN PEUVENT RETIRER LA MÉDECINE, l'aGRICULTURE , LE COMMERCE
ET LES ARTS.
SUIVI D'UNE BIOGRAPHIE DES PLUS CÉLÈBRES NATURALISTES.
Ouvrage destiné aux médecins, aux agriculteurs, aux commercans, aux artistes, aux manufacturiers, et à tous ceux qui ont inlcrêt à connoître les productions de la nature, leurs caraclcresgéuérir^ues et spécifiques , leur lieu natal, leurs propriétés et leurs usages.
Plusieurs Professeurs du Jardin du Roi , et des principales Ecoles de Paris.
TOME DOUZIÈME.
F. G. Levratilt, Editeur, à STRASBOURG,
et rue des Fossés M. le Prince, N.° 33, à PARIS.
Le Normant, rue de Seine, N.*' 8, à PARIS.
1818.
Liste des Auteurs par ordre de Matières.
Phfsitjue générale.
M. LACROIX , membre de rAcadémie des Sciences et piolcsseur au Coll<?ge de France, (L.)
Chimie.
M. ClIEVREUL, professeur au Collège royal de Charlemagne. (Cs.)
Minéralogie et Géologie.
M. BRONGNIART, membre de l'Académie
des Sciences , professeur à la Faculté des
Sciences. (B.) M. BROCHANT DE VILLIERS , membre
de l'Académie des Sciences. (B. de V.) M. DEFRANCE, membre de plusieurs
Sociétés savantes. (D. F.)
Botanique.
M. DE JUSSIEU, membre de l'Académie des
Science», professeur au Jardin du Roi. (J.) M. MIRBEL, membre de l'Académie des
Sciences , professeur à la Faculté des
Sciences. (B. M.) M. HENRI CASSINI , membre de la Société
philomatique de Paris. (H. Cass.) M. LEMAN, membre de l» Société pbiloma-
tique de Paris. (Lem.)
M. LOISELEUR deslongchamps,
Docteur en médecine , membre de plusieurs
Sociétés savantes. (L. D.) M. MASSEY. (Miss.) M. POIRET, membre de plusieurs Sociétés
savantes et littéraires , continuateur de
l'Encyclopédie botanique. (Poir.) M. DE TUSSAC, membre de plusieurs
Sociétés savantes, auteur de la Flore des
Antilles. (De T.;
Zoologie générale , Anatoviie et Physiologie.
M. G. CUVIER , membre et secrétaire per- pétuel de l'Académie des Sciences, prof, an Jardin du Roi, etc. (G. C. ou CV.ou C.)
Mammifères.
M. GEOFFROI , membre de l'Académie des Sciences, professeur au Jardin du Roi. (G.)
M. DUMONT , membre de plusieurs Sociéléi savantes. (Ch. D.)
Reptiles et Poissons.
M. DE LACÉPÈDE, membre de l'Académie
des Sciences, professeur au Jardin du Roi.
(L. L.) M. DUMERIL, membre de l'Académie des
Sciences, professeur à l'École de médecine.
(C. D.) M. CLOQUET, Docteur en médecine. (H. C.)
Insectes. M. DUMERIL, membre de l'Académie des Sciences , professeur à l'École de médecine. (C. D.)
Crustacés. M. W. E. LEAÇH, membre de la Société royale de Londres, l'un des Conservateurs du Musée britannique. (W. E. L.)
Mollusques , Vers et Zoophyles.
M. DEBLAINVILLE, professeur i la Faculté des Sciences. ( De B.)
M. TUKPIN, naturaliste, est cbargé de l'exécution des dessins et de la direction de la gravure.
MM, DE HUMBOLDT et RAMOND donneront quelques articles sur les objets nouveaux qu'ils ont observés dans leurs voyages, ou sur les sujets dont ils se sont plus particuliè- rement occupés.
M. F. CUVIER est cbai^é de la direction générale de l'ouvrage, et il coopérera au» articles généraux de loalogie et à l'histoire des mammifères. (F. C.)
DICTIONNAIRE
DES
SCIENCES NATURELLES.
CRI
l^RITHMUM. {Bot.) Ce nom a été donné, par les anciens , à une plante composée , qui est Vinula crithmifolia , à Vechino" phora spinosa, au siunifalcaria (voyez Creth mos), et principa- lement à la bacile, qui en est restée en possession ( voyez Bacile). Il faut encore observer que le crithmum. ou crilhœmum de Dios- coride paroît différent. Cet auteur lui attribue des feuilles épaisses de pourpier, des fleurs blanches, des graines odorantes ; Lobelsoupçonne que cette plante est le po7-fu/aca marma de Do- doens, qui se rapporte à l'atnpiexporfuZacoidei de Linnasus. (J.)
CRITHMUS. (Bot.) Rumph désigne sous ce nom le sesuvium portulacastrum des botanistes, qui est, selon luii, le galanglaut, c'est-à-dire, le pourpier marin des Malais, et le djalLo-djallo de Ternate. Cette plante fait partie du mélange des plantes employées dans l'Inde comme assaisonnement. (J. )
CRITONIA. {Bot.) Patrice Brown , dans l'errata de son Histoire civile et naturelle de la Jamaïque, a substitué le nom decritonia à celui de dalea, qui, dans le texte, se trouve ap- pliqué à une plante de la famille des synanthérées, proposée par cet auteur comme un genre distinct , ayant, selon lui , pour caractères une calatliide incouronuée, équaliflore, tri-quadri- flore, régulariflore, androgynitlore ; un péricline étroit, co- nique, formé desquames imbriquées; un clinanf lie très-petit, inappcndiculé; les cypsèles coniques-corJiformes, couronnées
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CRO
d'une aigrette rameuse. Brown ajoute que sa plante a la tige ligneuse, les feuilles opposées, ob^ongues, étroites, un peu dentées en scie, et les calathides disposées en grappes termi- nales. La figure qui accompagne cette description, est très- mauvaise : elle paroît se rapporter à un eupatoire; le carac- tère, si remarquable, d'aigrette rameuse, n'y est point du tout indiqué, et l'on ne reconnoît aucun rapport entre la plante figurée et les kuhnia.
Linnaens a rapporté cette plante au genre Eupatoire , auquel elle ne sauroit appartenir, si elle a réellement l'aigrette ra- meuse,ce qui est fort douteux ; et il l'a nommée eupatorium dalea, Gaertper , se fiant beaucoup trop à l'exactitude de Brown , en a conclu témérairement que le genre Kuhnia de Linnœus fils ji'étoit rien autre chose que le critonia ; en conséquence, il ii'a pas hésité à substituer le nom de critonia à celui de kuhnia, et à rapporter au genre de Brown le vrai kuhnia qui n'y res- semble point du tout.
Nous avons observé, dans l'Herbier de M. de Jussieu, un échantillon étiqueté eupacorium dalea. Si cet échantillon ap- partenoit en effet à l'espèce de Brown , ce qui nous paroît im- possible, le critonia ne seroit point une eupatoriée, comme le kuhnia; mais une vernoniée, qui ne diflTéreroit de notre nouveau genre Gymnanthemum que par sa calathide trifiore, caractère insuffisant pour faire un genre distinct. Nous dé- crirons cette plante sous le nom de gymnanthemum triflorum. (H. Cass.)
CRI VELA. (Ornîth.) Les Piémontois appellent ainsi la cres- serelle , /a/co tinnunculus , Linn. (Ch. D.)
CRO. {Ornith.) On nomme ainsi, dans le département de la Somme, le cravant, anas bernicla , Linn. (Ch. D.)
CRO ACE. (Ornith.) Voyez Crouas. (Ch. D.)
CROBYSOS. {Bot.) Ruellius dit qu'en Egypte on nommoit ainsi le panicaut, eryngium; en quoi il n'est pas d'accord avec Forskaèl et M. Delille qui le nomment schahakel ou chaqaqel. (J.)
CROBYSSON ( Bot. ) , un des noms grecs anciens de la trique sediim, suivant Mentzel. (J.)
CROC. {Bot.) A Saint-Domingue, suivant Jacquin , on nomme ainsi le ximenia multijlora , remarquable par les épines dont sa tige est armée. (J.)
CRO 5
CROCALITE. (Af m.) Ce minéral, ainsi nommé par Schuma- cher et Estner, a été regardé tantôt comme une mésotype, tantôt comme une stilbite : il se présente sous forme de petits globules d'un rouge orangé, plus ou moins vif, à texture com- pacte, à cassure raboteuse, avec l'aspect mat. Il n'est point électrique par la chaleur, et cette dernière considération fait soupçonner à M. Haiiy qu'il appartient plutôt àlastilbite, dont il seroit une variété compacte.
On trouve le crocalite principalement à Felvatza, en Tran- sylvanie , dans une variolite à base de cornéennej à Schio, dans le Vicentin, au milieu d'une roche de même nature ; à Edelfors, en Suède ; à Passa , dans le Tyrol , etc.
Dans presque tous ces lieux , il est disséminé dans la même espèce de roche, et presque toujours accompagné de pyro- xène. (B.)
CROCALO. (Ornith.) En Italie on donne ce nom et celui de crocala aux mouettes , larus , Linn. ( Ch. D. )
CROC DE CHIEN. {Bot. ) On appelle ainsi aux Iles-sous le- Vent, suivant Aublet, une espèce de moreile, solanum panicu- latum, à cause de ses épines grosses et recourbées. Le même nom estaussi donné , pour le même motif , à un jujubier, zizi' phus iguaneus, qui est maintenant le celtis aculeata de WiUde- novv. (J.)
CROCISE, Crocisa. (Entom. ) M. Jurine a nommé ainsi un genre d'insectes hyménoptères, de la famille des mellites ou apiaires, pour rapprocher certaines espèces de nomades ou de mélectes de Fabricius, telles que la scutellaire, Vhistron, la hicolore, la ponctuée , etc.
M. Jurine a été conduit à séparer ces espèces du genre No- made, à cause de la brièveté de la cellule radiale qui ne sç prolonge pas au-delà de la troisième cellule cubitale de leuv aile supérieure. Voyez l'article Mellites. ( C. D.)
CROCKER {Ornith.), nom anglois de la mouette rieuse, larus ridibundus , Linn. (Ch. D.)
CROCODEILOS. {Erpét.) KpoKcS^tXoç est le nom que les Grecs donnoient au crocodile. (H. C.)
CROCODILE, Crocodilus. {Erpétol.) Genre de reptiles de l'ordre des sauriens, de la famille des uronectes, et qui pré- sente les caractères suivans :
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Queue aplatie sur les côtés • pieds de derrière palmés ou demi- palmés; langue charnue , attachée au plancher de la bouche jusqu'au voisinage de ses bords, et nullement extensible ; des dents aiguës simples , sur une seule rangée; une seule verge dans le mâle; cinq doigts de^'ant, quatre derrière; trois doigts seulement arm-'s d'on- gles à chaque pied ; toute la queue , et le dessus et le dessous du corps revêtus d'écailtes carrées ; la plus grande partie de celles du dos re- levées d'arêtes longitudinales plus ou moins saillantes ; flancs garnis seulement de. petites écailles rondes; des arêtes semblables formant sur la base de la queue deux crêtes dentées en scie, lesquelles se réu- nissent en une seule sur le reste de sa longueur; oreilles fermées exté- rieurement par deux lèvres charnues; narines formant un long canal étroit, qui ne s' ouvre intérieurement que dans le gosier ; yeux munis de trois paupières; deux petites poches sous la gorge, renfermant une pommade d'une odeur musquée.
D'aptes ces caractères , les crocodiles forment un genre très- naturel, qui est encore confirmé par l'examen de leurs organes intérieurs, puisque, chez tous ces animaux, les vertèbres du cou portent des espèces de fausses côtes qui, se touchant par leurs extrémités, empêchent Fanimal de tourner entièrement la tête de côté, et que le sternum se prolonge au-delà des côtes, et est garni lui-même de côtes d'une espèce toute particulière , qui ne s'articulent point avec les vertèbres, et ne servent qu'à garantir le bas-ventre. Leur cœur est d'ailleurs divisé en trois loges, et le sang qui vient du poumon ne se mêle pas aussi com- plètement avec celui du corps, que dans les autres reptiles, ce qui rapproche un peu plus les crocodiles des quadrupèdes à sang chaud.
Les crocodiles l'emportent de beaucoup sur les autres sau- riens, et par la grandeur de leur taille, et par l'étendue de leur puissance : ils sont aussi mieux protégés qu'eux parles plaques écailleuses qui recouvrent presque toutes les parties de Jeu:- corps. Leur peau, surtout celle du dos, est en quelque sorte incrustée de petits boucliers que souvent les balles de fusil ne peuvent percer. Les nègres en fabriquent des espèces dt casques qui sont à l'abri de la hache.
Leur bouche , large ou étroite , dépourvue de lèvres , est ou verte jusqu'au-delà des oreilles. L'extrémité de la mâchoire supérieure offre en dessus une masse spongieuse, noirâtre et arrondie, au milieu de laquelle sont placées les ouvertures de*
CRO 5
narines. La mâchoire inférieure est seule mobile. Il paroît , d'après la forme des dents et d'après la nature de l'articulation maxillaire, que ces grands reptiles ne peuvent que décliirer et briser leur proie, sans la broyer et la mâcher.
Plusieurs auteurs ont prétendu, à tort, que les crocodiles étoient dépourvus de langue. Ils en ont tous une courte, charnue, épaisse, et attachée presque à la manière de celle des Batraciens. (Voyez ce mot et Crapaud.)
Leursyeux sont rapprochés l'un de l'autre, an-dessus de la face et sur le devant du crâne; ils sont dirigés obliquement , plutôt caves que saillans, très-mobiîes, protégés par une membrane clignotante, analogue à celte qu'an observe dans les oiseaux, et recouverts par deux paupières rudes, ridées en dessus et comme dentelées sur leurs bords.
Leur cou est garni d'écaillés nombreuses et rapprochées, avec quelques plaques écaiileuses et tuberculeuscis, dont le nombre et la disposition varient suivant les espèces.
Leur corps est alangé, à peu près cylindique , recoTivert en dessus de quatre à six rangées de plaques tuberculeuses, carrées, partagé en dessous par des bandes transversales ,. composées d'autres plaques lisses et carrées.
En général, le* mouvemens du crocodile ont quelque chose de grave, soit qu'il marche sur le bord des fleuves ou des lacs qu'il a choisi pour sa demeure, soit qu'il nage tranquillement dans le sein de leurs flats. Cependant, dans î'occasion , il fend l'eau avec une rapidité effrayante, et parcourt en peu de temps les plus grands espaces.
Les crocodiles habitent également dans les parties les plus chaudes des deux continens. On les voit le plus communément dans les grands fleuves et les lacs ; mais il paroit qu'ils ne craignent point l'eau salée, et qu'ils s'éloignent quelquefois dans la mer aune certaine distance des lieux qu'ils habitent ordinaire- ment.Ainsile capitaine CookfSecondVoyage autour duMonde), pendantson séjour ù la Nouvelle-Hollande, trouva des caïmans dans les rivières et les lacs salés de ce grand continent. Bartram nous apprend aussi qu'ils peuvent vivre dans les eaux tliermales. Près delà rivière Musqueto et de New-Smyrne, en Floride, il eut occasion d'en voir dans une vaste source d'eau chaude , do.it le bassin est assez grand pour an nu sloop puisse y naviguer : oett€
» CRO
eau est d'ailleurs vîtriolique et hydrosulfureuse , et renferme des caïmans jusqu'à l'endroit même où elle sort bouillante d'entre les rochers.
Lorsque la saison de l'accouplement est venue, le crocodile mâle recherchesafemelle avec une sorte de fureur ; il la renverse sur le dos, ainsi que le font les autres sauriens, et ses embrasse- mens paroissent très-étroits ; mais on en ignore la durée. L'at- tention dti mâle pour la femelle ne passe point tout-à-fait avec ses désirs, caril l'aide à se remettre sur ses pattes , selon M. de Lacépède.
Quoique les naturalistes n'aient encore pu se procureraucun renseignement positif sur la durée de la vie des crocodiles , cependant il est facile de présumer qu'ils doivent vivre pendant un grand nombre d'années, peut-être même pendant près d'un siècle, car leur accroissement se fait très-lentement. Ils n'ont en effet que six à sept pouces de longueur , en naissant, et ils peuvent atteindre douze, quinze, vingt pieds, etmême plus.
Ils se nourrissent de proie , dévorent une grande quantité de poissons et d'autres animaux aquatiques ; leur voracité est ex- trême , et ils sont très-redoutables , même pour l'homme , qu'ils attaquent quand ils en trouvent l'occasion. A Cayenne, les nègres sont souvent la victime des caïmans; et les femmes qui vont puiser de l'eau dans le Nil sont assez fréquemment entraî- nées dans le fleuve par ces redoutables reptiles.
« La nature, en donnant à l'aigle les hautes régions de l'at- « mosphère, en donnant au lion, pour son domaine, lesvaslfs « déserts des contrées ardentes , a abandonné au crocodile , dit <( M. de Lacépède, les rivages des mers et des grands fleuves « de la zone torride. Cet animal énorme , vivant sur les confins /< delà terre et des eaux, éterîd sa puissance sur les habitans « des mers et sur ceux que la terre nourrit. L'emportant en « grandeur sur tous les animaux de son ordre , ne partageant « sa subsistance , ni avec le vautour, comme l'aigle, ni avec « le tigre, comme le lion, il exerce une domination plus ab- « solue que celle du lion et de l'aigle : et il jouit d'un empire « d'autant plus durable, qu'appartenant à deux élémens, il « peut plus aisément échapper aux pièges ; qu'ayant moins <^ de chaleur dans le sang , il a moins besoin de forces qui
GRO i
a s'épuisentnioinsvîte, etque, pouvant résister plus long-temps « à la faim , il livre moins souvent des combats hasardeux. »
Sous les latitudes où il y a une saison froide, comme enFloride» les crocodiles s'engourdissent pendant l'hiver; mais quelques espèces, au contraire, sous l'équateur , passent le temps des chaleurs dans une espèce de léthargie et ensevelies dans la vase des marais.
Le mot crocodile est extrêmement ancien. Hérodote rapporte que les Ioniens attribuèrent cette dénomination à celui qui fréquentoit le Nil , parce qu'ils le trouvèrent semblable aux crocodiles qui vivent chez eux dans les haies , et qui étoient probablement des stellions, que les Grecs modernes appellent encore de nos jours y.otrXcpSïiXot;. Dans son acception primi- tive , crocodile , KpoKoS'iiXoç, signifie qui craint le rivage.
On a prétendu aussi que ce nom étoit tiré de la ressemblance de la couleur de ces animaux avec celle du safran , en grec KpoK-cç; et Gesner annonce qu'il est formé de npônoc, safran, et de ihiKcç, qui craint, parce que, dit-il, on a cru que ces sauriens avoient le safran en horreur.
Linnaeus n'a admis qu'une seule espèce de crocodile; son contemporain Gronou en a distingué quatre de même que Laurenti , M. de Lacépède et l'abbé Bonnaterre ; Gmelin réduit leur nombre à trois.
Ces différences, dans l'établissement des espèces, n'étoient rien en comparaison de celles qui existoient dans leurs carac- tères et surtout dans leur synonymie. Rien n'étoit plus obscur, avant que M. Cuvier eût dirigé ses recherches vers ce sujet.
Ce célèbre naturaliste commença parisoler dans ce genre les espèces à long bec, vulgairement connues sous le nom de gavialsy et il en fit le sous-genre Gavial. (Voyez ce mot.)
Ensuite , il partagea en deux au 1res sous-genres les espèces à museau court. Il appela l'un de ces sous-genres Cayman (voyez ce mot) , et l'autre Crocodile.
Nous ne devons nous occuper ici que de cette dernière divi- sion absolument.
Les crocodiles, proprement dits, présentent les caractères suivans :
Tête oblongue, deux fois plus longue que large; dents inégales , au nombre de quinze de chaque côté en bas, et dix-ne-if e^i
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haut; les premières de lamàchoire inférieure ■perçant la supérieure h lin certain âge; les quatrièmes , qui sont les plus longues de toutes, passant par des échancrures, et n étant point logées dans des creux de lamàchoire supérieure ; une crête dentelée au lordexterne des pieds de derrière ; les intervalles des doigts , au moins les externes , entière- ment palmés : deux larges trous o^'ales au crâne, derrière les jeux ^ &l faciles à sentir à travers la peau.
Ou peut distinguer facilement les Crocodiles des Caymans , parce que les quatrièmes dents inférieures de ceux-ci sont reçues dans des creux de la mâchoire supérieure ; des Gavials qui ont le museau très-alongé , et dont les deux premières et les deux quatrièmes dénis inférieures passent dans des échancrures de la mâchoire supérieure ; dés Dragones , dont les doigts des pieds de derrière sont libres, au nombre de cinq, et tous ongui- culés.
Les diverses espèces de crocodiles se ressemblent beaucoup entre elîes, et les nombreuses variétés d'âge et de sexe qui ont été rencontrées sur les diverses côtes de l'Afrique et de l'Inde , présentent tant de nuances différentes, qui rentrent par degrés ies unes dans les autres, qu'il est presque impossible desavoir où s'arrêter. Néanmoins, dans l'excellente monographie qu'il apubliée de ce genre, M. Cuvier établit les espèces quisuivent:
3." Le Crocodile vulgaire d'Egypte : Crocodilus vulgaris , Cuvier ; Lacerta crocodilus , Linnaeus ; Crocodilus niloticus , Daudin. Dans ce crocodile, la longueur de la tête est double de sa largeur; ses côtés sont dans une direction générale à peu près rectiligne , et lui font représenter un triangle isocèle itlongé. Les fosses dont le crâne est percé sont grandes et plus larges que longues. Le museau est raboteux et inégal, surtout dans les vieux , mais n'a point d'arête particulière saillante. Immédiatement derrière le crâne, sur une ligne transversale , sont quatre petites écailles à arêtes, isolées.
Puisvientla grande plaque de la nuque, formée desix écailles a arêtes. •
Puis deux écailles écartées.
Ensuite paroissent les bandes transversales du dos, presque toujours au nombre de quinzeou de seize. Les douze premières ont chacune six écailles et six arêtes; les trois'bandes d'entre if's cuisses n'eu ont que quatre chacune.
CRO 9
Toutes ces arêtes sont à peu prés égales et médiocrement saillantes. Il y a de plus, de chaque côté, une rangée longitudi- nale de sept ou huit écailles à arêtes, moins réunies à l'ensemble des autres. Les arêtes latérales de la queue ne commencent que sur la sixième bande à devenir dominantes et à former deux crêtes ; celles-ci se réunissent sur la dix-septième ou dix-hui- tième bande, et il y en a encore dix-huit jusqu'au bout de la queue.
L'égalité des écailles , des arêtes et rie leur nombre dans chaque bande, etleur position sur deux lignes longitudinales, font, dit M. Cuvier, dont nous suivons la description pour cette espèce , que le crocodile d'Egypte a l'air d'avoir le dos régu- lièrement pavé de carreaux à quatre angles.
Les écailles du dos et de la nuque, surtout celles des deux lignes longitudinales du milieu, sont plus larges que longues; celles du ventre ont un pore plus ou moins marqué vers leur bord postérieur. La couleur du dessus est un vert de bronze plus bu moins clair , piqueté et marbré de brun; celle du dessous, un vert jaunâtre.
Ce crocodile habite le Nil et le Sénégal, et probablement le Zaïre, le Jooliba et les autres fleuves d'Afrique, de Mada- gascar, etc.
Aujourd'hui, le crocodile ne se trouve dans le Nil que vers la région supérieure de l'Egypte , où il fait très-chaud , et oij il nes'cngourdit Jamais: tandis qu'autrefois, où il descendoit dans les branches du fleuve qui arrosent le Delta, il passoit les quatre mois d'hiA'er dans des cavernes et sans nourriture. C'est au moins ce que nous apprenons de la lecture de Pline et d'autres anciens naturalistes.
Cet animal pond , en deux ou trois fois , mais à des distances rapprochées, une vingtaine d'œufs qu'il enterre dans le sable, et qu'il laisse au soleil le soin de faire éclore. Ces œufs sont deux fois plus gros que ceux des oies, et enveloppés par une coquî- blanchàtre et calcaire.
D'sprès les relations d'Hasselquist et de plusieurs autres voyageurs, il paroit que le crocodile du Nil est le plus grand de tous les animaux de ce genre , puisqu'on en trouve de trente pieds et au-delà dans la Haute-Egypte, et que les anciens ont préteiidu en avoir vu de vingt-six coudées, ce qui est proba-
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blement exagéré. Mon père , pendant le séjour qu'il a fait aux lieuxqu'occupoitThèbes, apu enobserver d'environ vingt-cinq pieds de longueur.
Les crocodiles répandent une forte odeur de musc, et la donnent aux eaux qu'ils fréquentent. Cependant les nègres en mangent volontiers la chair, comme le faisoient les anciens ha- bitans d'Eléphantine, selon le témoignage d'Hérodote. Moore raconte même qu'un des mets les plus délicats pour plusieurs nationsdei'Afrique,est l'œufdu crocodile. Aurcstc,noussavons qu'en Egypte et aux Indes on les fait servir d'alimens , de même que ceux des caïmans à la Floride, et dans d'autres parties de l'Amérique. (Voyez Léon V Africain et Ferdinand Lopez.) Ces a'u fs sentent fortement le musc.
II paroit que d'autres espèces habitent également le Nil, et que ce fleuve renferme au moins une variété de celle qui nous occupe. M. Geoffroy Saint-Hilaire a trouvé la tête embaumée ô'tin individu de celle-ci dans les grottes de Thèbes : elle est un peu plus plate et plus alongée que celle du crocodile vulgaire, l.c Muséum de Paris en possède deux individus entiers et deux têtes de même forme. L'un des deux premiers a été donné par Adanson , et étiqueté de sa main, Crocodile vert du Niger.
Ces différences, jointes aux témoignages des pêcheurs de la riiébaïde , permettent de croire à l'existence d'une race de crocodiles vivant en Egypte avec l'autre. M. Geoffroy l'a dési- gnée sous le nom de suchus.
Tout le monde sait que les anciens Egyptiens rendoient des hommages religieux au crocodile, et que cet animal avoit chez eux un véritable culte et des prêtres particuliers. AMemphis, l'individu sacre étoit élevé avec soin, nourri abondamment 5 on lui faisoit des sacrifices et des offrandes ; on Tornoit de joyaux ; on le logeoit dans un bassin , au milieu même du temple. Le crocodile, ainsi traité, perdoit sa férocité et s'apprivoisoit au point qu'on pouvoit le promener dans les cérémonies reli- givuisea. Après sa mort, on i'embaumoit, et on le déposoit dans la sépulture des rois.
Dans ce pays de la sagesse, onvoyoitdes gens assez fous pour se vanter du bonheur d'avoir eu unde leurseafans dévoré par un crocodile. Dans quelques cantons de l'Egypte cependant, on «ibhoiToit c*-s animaux , on les chassoit et on les luoit, et cela
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aussi par un sentiment de religion: c'est que là on croyoitque Typhon, le meurtrier d'Osiris, et le génie du mal, s'cloit trans- formé en crocodile.
Au rapport d'Hérodote,on les mangeoit à Eléphantine, et même les Apollonopolites étoient obligés d'en manger par suite d'une loi, parce que, dit-on, la fille du roi Psammeticus avoit éré dévorée par un crocodile. Dans la ville d'Héraclée, on rendoit des honneurs divins àl'ichneumon, qu'on regardoit comme l'en- nemi juré de cet animal.
On tiroit aussi des présages des crocodiles sacrés .- si l'animal recevoit des alimens de la main qui les lui présentoit, cette bonté s'interprétoit favorablement ; le refus, au contraire, étoit de mauvais augure.
Il ne s'agit que de mettre l'imagination des hommes en mou- vement, dit Diderot, et bientôt ils croiront les extravagances les plus outrées. I.e crocodile n'aura point de langue; il'aura autant de dents qu'il y a de jours dans l'année; il y aura des temps et des lieux où il cessera d'être malfaisant. Quiconque osera soutenir qu'un crocodile a attaqué un Egyptien, quoiqu'il fût sur le Nil et dans une barque de papyrus , sera lapidé comme un impie.
Mais ces crocodiles sacrés composoient-i.'s une espèce par- ticulière dans le genre, comme l'ont prétendu Jablonsky et Larcher ? C'est là ce qui mérite un moment d'attention.
Hérodote, Aristote, Diodore, Pline et Elien n'ont fait aucune mention de deux espèces de crocodiles en Egypte , et tous ont parlé du culte qu'on leur rendoit.
Lorsque Strabon emploie le mot souchis ou suchus , il ne paroît l'appliquer qu'à l'individu consacré en particulier. Les Arsino'ites (i) , dit-il, ont un crocodile sacré quih nourrissent sépa- rément dans un lac, qui est doux pour les prêtres , et quils nomment SvcHis. Hérodote n'attribue aussi qu'à un seul individu les or- nemens et les honneurs qu'il détaille,
Plutarque parle absolument dans le mtme sens et d'une ma- nière encore plus précise.
C'est un passage bizarre de Damascius, rapporté par Photius,
(i) Arsinoé s'appeloit primitivement, comme on sait, i\ Ville or Crocodiles,
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qui a oceasioné la supposition de Larcher et de Jablonsky. L'hippopotame est injuste- le suchis est juste : c'est uu nom et une espèce ds crocodile. Il ne nuit à aucun animal. Mais, Damascius vivoit sons Juslinien, au sixième siècle. De son temps, dit M. Cuvier, les païens étoient persécutés; on ne nourrissoit plus d'animaux sacrés en Egypte ; il ne restoit de l'ancien culte que des traditions. Damascius étoit ignorant et crédule; il s'est évi- demment trompé.
D'ailleurs, en supposant que le suchis fût un crocodile moins fort que les autres, il seroit toujours carnassier; et il seroit absurde de dire qu'il ne nuit à aucun animal. A la vérité, le» individus consacrés s'apprivoisoient , par l'effet des soins de l'homme; elsurtout par l'abondance delà nourriture. Aristote conclut expressément de la familiarité des prêtres égyptiens et des crocodiles, que les animaux les plus féroces habiteroient paisiblement ensemble , si les vivres ne leur manquoient point. {Hist. anim., lib. ix , cap. i.)
On a en outre la preuve que les crocodiles communs, dans les cantons oii leur culte étoit établi, n'étoient pas plus doux que ceux du reste de l'Egypte: au contraire, ils étoient plus cruels , parce qu'ils étoient moins timides. Elien rapporte que chez les Tyntyritcs, qui les détruisoient tant qu'ils le pou- voicnt, on se baignoit en sûreté dans le fleuve; tandis qu'à Omboset à Arsinoé, où on lesrévéroit, il y avoitdu danger de- sy laver les pieds ou iVy puiser de l'eau.
Enfin , il paroît que les Egyptiens adoroient les crocodiles, non p>Ts à cause de leur prétendue douceur, mais parce qu'ils: arrétoientlcs courses des voleurs arabes etlybiens, qui, sans ces animaux, auroient passé et repassé sans cesse le fleuve et ses Canaux, AL.gyptiinullamheUuam nisi oh aliquam utilitatem conse- craverunt; crocodilum, quod terrore arceat latrones.
On litdansles voyages de la Bru e que, dans la rivière de San- Domingo , sur les côtes occidentales de l'Afrique, les nègres ];)rennent le soin de nourrir des crocodiles, et de les adoucir i.'Li point de les faire servir de jouet aux enfans. Les Indiens de Timor, de Java, de Céram, de Sumatra, et de la plupart des î'.esdela Sonde, croient qu'enaccouchant, les femmes mettent au monde un petit crocodile , jumeau de l'enfant ; que la sngo- femme reçoit cet animal avec beaucoup de soin , cl leportcsur-
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le-chainp à la rivière. La famille a le soin de fournir dosalimcns auparentamphibie,etleiumeausurtoutva,àcertainesépooues dans le cours de sa vie, accomplir ce devoir fraternel, et cela sous peine d'être frappé de mort ou de maladie. A Céièbes et à Bantan , plusieurs habitans nourrissent même des crocodiles dans leur maison. (Second Voyage de Cook.)
Dans l'année 58 avant Jésus-Christ, l'édile Scaurus fit mon- trer à Rome cinq crocodiles du Nil ; et, depuis lui , l'empereur Auguste fit remplir d'eau le cirque Flaminien , et y exposa aux regards du peuple trente-six crocodiles , qui furent tués par ua nombre égal d'hommes habitués alors à combattre ces animaux. Héliogabale en fit venir également en Italie.
En 1681 , on amena un crocodile vivant à la ménagerie de Versailles, où il vécut près d'un mois; et depuis quelques années nous en avons vu plusieurs jeunes individus à Paris.
Quant aux crocodiles du Sénégal , du Niger et de la Gambie , ils paroissent augmenter en longenur, à mesure qu'on pénètre plus avant dans les terres. Dans le Sénégal, auprès de Gliiam, Brue en a vu un de vingt-cinq pieds; Barbot, dans le même fleuve et dansla Gambie, en a observé de trente pieds. Le voya- geur Jobson ajoute que dansla Gambie, où on les nomme bumbos, ils poussent des cris qu'on peut entendre de très-loin, et qui semblent sortir du fond d'un puits.
Adanson a trouvé des centaines de ces animaux dans le Sénégal, un peu au-dessus de l'Escale aux Maringouins. Us pa- roissoient tous en même temps au-dessus de l'eau , comme des troncs d'arbres flottans ; mais, lorsque le bateau s'approcha d'eux, ils eurent peur et plongèrent. Lorsqu'ils aperçoivent quelque animal qui boit au bord du fleuve, ils von taiissi lot vers lui entre deux eaux , le saisissent par une jambe, et l'entraînent pour le dévorer.
Le père Labat dit qu'on prend souvent les crocodiles avec des hameçons placés dans l'abdomen d'un chien, et fixés à une chaîne de fer au bout d'une longue corde. On s'en empare encore, assure-t-on, enleur jetant une planche d'un bois mol- lasse , dans lequelleurs dents s'engagent. D'autres foij , on leur tientla gueule ouverte avec un morceau de fer pointu aux deux extrémités.
Les nègres viennent quelquefois à bout de tuer le crocodile
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de vive force et dans l'eau , lorsqu'ils le surprennent dans un endroit où il ne peut se soutenir sans nager. Ils vont à lui, le bras gauche entortillé d'un morceau de cuir de bœuf, et une baïonnette dans la main droite ; ils lui tiennent la gueule ouverte en lui enfonçanlle poing gauche dans le gosier, et ils lui donnent des coups de baïonnette dans la gorge, dit encore le père Labat.
Le célèbre naturaliste Adanson, en revenant de chasser sur l'île de Sor, trouva le nid où un crocodile venoil de déposer ses oeufs, à un demi-pied de profondeur sous le sable. Ces œufs, au nombre d'une trentaine, avoient le volume de ceux de l'oie , etrépandoient une odeur musquée. Les nègres qui l'accom- pagnoient les emportèrent pour s'en nourrir.
On dit que l'hippopotame est un des ennemis les plus redou- tables du crocodile. Mais le plus dangereux, sans contredit, est l'ichneumon, qui dévore ses œufs : on a même prétendu autre- fois que ce petit mammifère entroit dans sa gueule pendant qu'il dormoit au soleil , et lui déchiroit les entrailles ; mais c'est une fable réfutée depuis long-temps. (Voyez IcHNEDMON.)Ondit an contraire que le crocodile est ami du roitelet, espèce d'oi- seau qui va le débarrasser des vers qui naissent entre ses dénis et de la chair qui y demeure attachée. Autre fable.
2° Le Crocodile a deux arêtes : Crocodilus biporcatus, Cuvier; Crocodilus porosus , Schneider; Seba , Thés, i , pi. cm, fig. i ; pi. civ, fig. 12. Tête semblable à celle du crocodile du Nil , mais munie de deux arêtes saillantes qui partent de l'angle an- térieur de l'orbite, et descendentpresquc parallèlement le long du museau , en djsparoissant par degrés.
Les écailles du dos sont plus nombreuses que dans le précé- dent ; la première rangée en a quatre ; les deux suivantes six ; les huit qui viennent après, huit chacune; puis il y en a trois à six, et trois à quatre; en tout, dix-sept rangées.
Ces écailles , au lieu d'être carrées et plus larges que longues, sont ovales et plus longues que larges.
Chez les jeunes individus , il y a des pores à toutes les écailles du dos, et aux intervalles triangulaires qu'elles laissent entre elles. Il y en a aussi de très-marqués sur le ventre.
Cette espèce est la plus commune dans toutes les rivières qui aboutissent à la mer des Indes. On la trouve à Java. Pérou la
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observée à Timor et aux Séchelles. M. Delabillardière a rapporté à M. Cuvier que c'est une opinion générale à Java , que cet animal ne dévore jamais sa proie sur-le-champ, mais qu'il l'en- fouit dans la vase , où elle reste trois ou quatre jours sans qu'il y touche.
On lit dans la description de Macassar que, dans la grande rivière de cette île, il y a des crocodiles tellement féroces, qu'ils ne se bornent pas à faire la guerre aux poissons, mais qu'ils s'assemblent en troupes , plus ou moins nombreuses , pour guetter les batteaux , et tâcher de les renverser afin de dévorer les hommes qui sont dedans.
Il paroît qu'on rencontre encore cette espèce dans les rivière* de la Corée , et même en Chine.
3.° Le Crocodile a losange; Crocodilus rliomhifer, Cuvier. Le chanfrein est plus bombé que dans les autres espèces, sa coupe transversale présentant au moins un demi-cercle. De l'angle antérieur de chaque orbite part une arête mousse, rectiiigne, qui se rapproche promptementdesa correspondante, et forme, avec elle et les bords internes des deux orbites, une losange incomplète à son angle postérieur. Les quatre membres sont revêtus d'écaillés plus fortes que dans les autres espèces, rele- vées chacune dans son milieu d'une grosse arête saillante , ce qui leur donne l'air d'être armés plus vigoureusement. Les écailles ont à peu près la même forme que celles du crocodile vulgaire. La couleur de ce crocodile est vcrdàtre, avec des petites taches brunes très-marquées en dessus.
Patrie inconnue.
4.° Le Crocodile A casque : Crocodilus galeatus, Cuvier; Cro- codilus siamensis, Schneider. Deux arêtes triangulaires osseuses, implantéesl'une derrière l'autre sur la ligne moyenne du crâne.
Ce crocodile ressemble presque en tout à l'espèce vulgaire du Nil. Il atteint la taille de plus de dix pieds, et habile les ri- vières de Siam.
Il n'est encore connu que par la description qu'en ont faite à Siamles missionnaires françois.(Mém. de l'Académie desScienees avant 1699 , tom. III , part. II.)
5." Le Crocodile a deux plaques : Crocodilus lisculalus , Cu- vier; Crocodile noir, Adanson. Museau plus alongé que danslcs espèces précédentes, mais moins que dansLi suiviuilc; les deux
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lignes longitudinales moyennes des arêtes moins saillantes que les latérales, et celles-ci disposées un peu irrégulièrement : nuque armée seulement de deux grandes écailles pyramidales s.ur son milieu, et de deux petites en avant. Le nombre dis écailles transversales, jusque derrière l<is cuisses, n'est que de quinze.
Les écaillesdes deux ligneslongitudinalesmoyennes sont plus larges que longues.
Cette espèce a été trouvée dans le fleuve Sénégal par Adanson. Ce naturaliste dit qu'elle est plus noire et plus cruelle que respècc vulgaire , qui s'y rencontre également.
6° Le Crocodile a mcskau effilé ou de Saint-Domingce : Cro- codilus acutus. Cuvier;Seba, Ihes. i, tab. 106, et tab. loz». Museau plus effilé que celui de tous les autres crocodiles pro- prement dits. Largeur de la tète, prise à l'articulation des mâ- choires, comprise deux fois et un quart dans sa longueur, qui est à celle du crâne : : 5 : 1 . Convexité arrondie sur le milieu du chanfrein, un peu enavant des orbites. Point de lignes saillantes sur la face supérieure du museau; bords des mâchoires très- sensiblement festonnés.
Les plaques de la nuque sont à peu près les mêmes que dans le crocodile vulgaire d'Egypte : mais celles du dos ne forment que quatre lignes longitudinales d'arêtes, dont les mitoyennes sont peu élevées, et les externes fort saillantes. Celles-ci sont de plus placées irrégulièrement, et en ont quelques-unes d'éparses le long de leur côté externe.
Il n'y a que quinze ou seize rangées transversales jusqu'à l'ori- gine de la queue.
Les écailles inférieures ont chacune leur pore.
La tête est à la longueur du corps .- : 1 : 7 -— .
Le dos est d'un vert foncé, tacheté et marbré de noir; le dessous d'un vert plus pâle.
Les miles ont toutes les proportions de la tête un peu plus courtes que les femelles , et se rapprochent un peu des femelles du crocodile vulgaire, surtout quand ils sont jeunes.
Néanmoins, cette espèce se distingue parfaitement du cro codile du Nil, et par ses formes, et par le lieu de son habitation. Elle vit dans la grande ile de Saint-Domingue . et probablement les autres principales îles des Antilles.
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M. Geoffroy Saint Hilai re l'a fait connoître le premier, d*aprés ^in individu envoyé au Muséuui de Paris, par le général Ro- r.hdniheuu. I.e }>èrc l'iiiniicr avoit cependant décrit , desiirié et disséîjué le crocodile de Saiiit-Douiiiigue; mais ses observa- tions étoient restées manuscrites, excepté ce que M. Schneider en a publié.
Les mâles sont beaucoup moins nouibreux que les femelles-, ils se battent entre eux avec acharnement: l'accouplement se fait dans leau , sur le c6lé, et l'intromission riureà peine vingt- »:inq secondes : lis mâles sont aptes à la génération à dix ans, les femelles à huit ou neuf: la lecomlité de celles-ci ne dure guère qtie quatre ou cinq ans.
I,a femelle creuse avec les pattes et le museau un trou circu- laire dans le sable, sur un tertre un peu élevé, où elle dépose vingt-huit œufs humectés d'une liqueur visqueuse , rangés par couches séparées par un peu de terre, et recouverts de terre battue.
La ponte a lieu en mars, avril et mai, et les petits sortent d« l'œuf au bout d'un mois.
Ils ont alors neuf à dix pouces àe longueur.
L'accroissement dure plus de vingt ans, et l'on voit des in-» dividus atteindre seife pie«ls et ]ilu5 de longueur.
Lorsqu'ils éclosent , la femelle vient gratter la terre pour les délivrer ; les conduit , les défend et les nourrit . en leur dé- gorgeant la pâture pendant tro's mois, espace de temps durant lequel le niàlc cherche à les dévorer.
Ces crocodiles ne peuvent manger dans l'eau , sans risquer d'être étouffes. Ils creusent des trous dans le lit des rivières, pour y en traîner et noyer leurs victimes, qu'ilsy laissent pourrir.
Tel est le précis des observations que M. Descourlils a faites à Saint-Domingue uiéme. Elles sont confirmées par une note d'un pharmacien de cette ile, qui annonce à ^L Parmenlier que ces animaux recherchent surtout avec avidité la chair des nègres et celle des chiens, et qu'ils ne la mangent jamais que putréfiée.
On dit que pour éviter ce crocodile, les chiens aboient et les chevaux battent l'eau dans un lieu, afin de l'y attirer > et se hâtent en^uite d'aller boire plus loin.
Les colons et les nègres donnent à cette espèce le nom di caïman.
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Nous ne saurions terminer rjiistoire des crocodiles, sans rapporlerles propriétés qu'on leur a attribuées anciennement en thérapeutique. Leur sang guérissoit les ophthahnics et empê- choit le développement (les accidens causés par la niorbure